Manufacturing Execution Systems (MES): comment réussir son projet?

Les MES sont la pierre angulaire de l'industrie 4.0 dans l'usine. Malgré leurs bénéfices maintes fois prouvés sur la performance industrielle, de nombreux projets échouent à apporter la valeur attendue. Revue de quelques critères de réussite.
Key insights :
– Les MES (Manufacturing execution systems) sont des systèmes de pilotage de la fabrication dont les bénéfices peuvent être significatifs (10-20% productivité, division par 2 ou 3 des taux de défauts, etc.).
– Autrefois d’un coût et d’une complexité inabordables pour les PME et ETI, les MES se sont démocratisés grâce à l’émergence d’une large gamme de solutions modulables.
– Les axes de performance susceptibles de bénéficier d’un MES étant nombreux, il est indispensable pour des raisons d’efficacité et de budget de bien définir les priorités du projet.
– Il est préférable pour une PME ou une ETI de prévoir un déploiement progressif du MES tant en termes de fonctionnalités que de périmètre, par exemple selon une logique pluriannuelle
– Les gains liés à une meilleure circulation de la donnée ne sont pas autoporteurs : une boucle manageriale solide et un travail sur l’organisation, l’humain et les process sont indispensables.
– Si une transformation significative du management industriel de l’usine s’avère nécessaire, il est avisé de l’engager en parallèle du projet MES et ce dès le lancement du projet.

Les MES (Manufacturing Execution Systems) sont des outils de pilotage de la fabrication dont les bénéfices peuvent être significatifs. Une amélioration de la productivité de 15% n’est par exemple pas rare. Des améliorations significatives de la qualité sont également possibles en s’appuyant sur les fonctionnalités proposées par les MES.

Malgré ces bénéfices avérés, certains projets MES échouent à délivrer une valeur significative, voire même à aller à leur terme.

Mener le projet pour de bonnes raisons

Les gains industriels potentiels liés au déploiement d’un outil MES sont nombreux :
– l’amélioration de la performance machine (suivi du TRS),
– l’amélioration de la qualité (respect du plan de surveillance, traçabilité, etc.),
– l’amélioration de la productivité des opérateurs (suivi des cadences),
– l’amélioration de la productivité de l’encadrement (suppression des ressaisies),
– un meilleur management par la mise à disposition d’indicateurs,
– Un accès simplifié à l’information sur le shopfloor, en simplifiant l’accès aux ordres de fabrication et à des gammes de fabrication mises à jour en temps réel.

Les éditeurs de MES sont conscients de la position privilégiée qu’elles ont en raison de leur présence naturelle au contact de la fonction fabrication. A ces fonctions historiques des MES, elles ont rajouté d’autres fonctionnalités terrain au service de la gestion de la maintenance ou de la gestion des stocks.

On voit que les bénéfices peuvent être multiples. Or il y a autant de manières de dimensionner et mener un projet MES que d’objectifs possibles.

Le nerf de la guerre

Je constate que se tromper sur les objectifs poursuivis peut conduire à l’échec du projet MES et avoir des impacts financiers et humains importants.

Même si les MES sont devenus abordables pour une ETI ou une PME, surtout en regard des gains qu’ils peuvent générer, le coût de déployer l’ensemble des fonctionnalités sur l’ensemble d’un périmètre industriel peut s’avérer hors de portée.

Il est essentiel d’être au clair sur les objectifs du projet, d’en chiffrer les incidences financières attendues et de définir le budget qui sera acceptable pour l’entreprise. Sans une vision claire sur ces éléments financiers, l’entreprise (dirigeants, managers) ne pourront se convaincre du ROI du projet et celui-ci échouera au moment où les éditeurs remettront leur proposition financière.

De ce point de vue l’offre s’est considérablement démocratisée. Certains offreurs de solution proposent des solutions économiquement efficaces répondant à un seul axe de performance (la qualité ou le suivi machines par ex.). D’autres jouent sur la modularité de leur offre. Ainsi si l’entreprise est au clair avec elle-même, elle peut décider d’investir sur un premier niveau de fonctionnalité compatible avec ses enjeux les plus importants et déployer les autres modules ultérieurement.

Une manière de se mettre rapidement en mouvement est de commencer à investir sur un périmètre limité de l’usine. Ce faisant on limitera le risque financier pour l’entreprise. A ce titre, je déconseille de réaliser des « pilotes » (notion qui renvoie à la notion abstraite de test technique) mais bien plutôt de se mettre dans la posture d’un réel déploiement ayant pour objectif d’obtenir des résultats opérationnels concrets et substantiels .

Ainsi, on investira d’emblée sur un périmètre critique où les enjeux sont importants et/ou en se limitant aux fonctionnalités et modules présentant le plus fort levier. Les premiers gains obtenus, l’entreprise pourra s’inscrire dans une logique d’investissement et de progrès pluriannuelle qui rendra l’effort budgétaire plus abordable.

Une cause fréquente d’abandon des projets est de vouloir toutes les fonctionnalités sans s’en donner les moyens. Pour éviter ce biais, j’ai développé un outil de design-to-cost qui permet d’informer mon client en temps réel de l’impact coût des fonctionnalités qu’il se propose d’intégrer à sa demande.

Conduite du changement : Le mythe de prométhée

Les MES de nouvelle génération offrent des interfaces paramétrables, ergonomiques et intuitives, ce qui facilite significativement l’adhésion à l’outil.

Dans la mythologie grecque, le vol du feu par Promothée, se termine mal pour l’humanité (vengance des dieux via la boîte de Pandore). Cette méfiance face à la technologie est restée et le déploiement d’un Manufacturing Execution Systems n’échappe pas à cette règle. Ainsi, les opérateurs y verront l’intention de les enchainer à leur poste de travail par le MES comme Prométhée fut enchaîné à la roche tarpéienne par des chaines.

Ainsi, les gains espérés ne seront pas au rendez-vous si le MES est conçu comme un simple outil de contrôle des opérateurs. Nous préconisons au contraire une démarche centrée sur les opérateurs et les managers de terrain. Le projet MES est l’occasion de comprendre les difficultés rencontrées sur le terrain ainsi que d’apporter simplification et solutions aux problèmes des équipes.

Un travail important d’explication est également nécessaire auprès des opérateurs et des managers de contact. L’avantage majeur pour les opérateurs est que le MES peut factualiser les problèmes qu’ils rencontrent et qui les pénalisent au quotidien. Cette factualisation, utilisée à bon escient, a la capacité de renvoyer le management face à tous les problèmes non traités sur le terrain voire face à ses contradictions. Encore faut-il que le management soit dans cette démarche et qu’il l’explique.

Côté management, la lisibilité de ce qui se passe sur le terrain est accrue grâce aux données qui remontent dans le MES. Les managers passent moins de temps à ressaisir ou compiler des données. Ce faisant, ils disposent de plus de temps pour analyser et traiter les problèmes.

Ces bénéfices a priori positifs suscitent pourtant bien souvent de la crainte de la part des managers de contact. En effet, ce gain de temps est directement perçu comme une menace (« on n’aura plus besoin de moi »). Même sans cela, il oblige le manager à se réinventer et à se repositionner, au risque de le mettre au pied du mur de sa propre compétence.

Ces enjeux doivent être anticipés notamment via des revues de compétences et ce afin d’engager un travail de formation et d’accompagnement. Au vu des enjeux de conduite de changement ci-dessus, il est plus qu’avisé d’impliquer toutes les fonctions impactées.

A ce jeu, les managers de contact et les opérateurs sont pourtant souvent oubliés. A fonctionnalités et budget équivalent pourquoi, par exemple, ne pas impliquer les opérateurs et les managers dans le choix de la solution, ou de prendre en compte leur avis sur l’ergonomie dans la cotation des solutions, par exemple par le biais d’un « cercle qualité ».

Un pavé dans la mare

Nous ne détaillons pas dans cet article les conditions de la conduite de projet en elle-même (orga projet, charge de travail, pilotage). Mais on le voit, un projet MES est tout sauf un projet purement technique. Comme tout projet informatique, il vient toucher des enjeux humains et de process.

Ainsi si un MES amène de l’ergonomie, de la vitesse et de la data là où il y avait de la complexité, de la ressaisie, et une absence de vue sur les causes de non performance, le MES en lui-même ne résoudra pas les problèmes qu’il contribuera à mettre en lumière.

Dès lors, ce qui va compter c’est de rattacher les informations issues du MES à des rituels de management et que les problèmes mis en évidence soient traités. Or, dans des situations où la performance est très dégradée, les fondamentaux du management industriel sont rarement en place au bon niveau. Des actions de type organisationnelles, humaines et process sont alors nécessaires. Lancer un projet sans que ces enjeux aient fait l’objet d’un premier niveau de traitement fait peser un grand risque sur la réussite du projet.

Parfois, le projet MES peut être une manière de lancer un pavé dans la mare pour forcer l’organisation à se remettre en ordre de marche. Cette approche risquée peut être vertueuse si elle est assumée et à condition que la transformation nécessaire soit effectivement conduite sous toutes les dimensions évoquées ci-dessus.

En conclusion : le MES est un outil, pas une baguette magique. Si la mise en place d’un système MES est un catalyseur de performance lorsque le projet est bien mené, l’atteinte des objectifs sera belle et bien est conditionnée à la correcte application des basiques du management industriel. Nous ne saurons à cet égard trop recommander d’engager la transformation manageriale et d’en récolter les premiers fruits sans attendre l’arrivée sur le terrain de l’outil MES.