L'outil PLM, colonne vertébrale de l'industrie 4.0 ?

Introduction

Le Product Lifecycle Management (PLM) est l’ensemble des méthodes et outils permettant la gestion du cycle de vie des produits. Bien que cette notion regroupe des significations et des besoins assez différents suivant les industries, elle s’est peu à peu imposée comme un concept clef dans tous les secteurs. Cette évolution a entraîné l’émergence d’une classe de systèmes d’information également dénommés PLM qui constituent un support à la gestion des produits industriels tout au long de leur cycle de vie. Hier cantonné aux seuls bureaux d’étude des entreprises industrielles, l’outil PLM réalise aujourd’hui le pivot entre l’ingénierie et le reste de l’entreprise étendue et est à ce titre en passe de devenir un instrument incontournable de l’excellence opérationnelle. Cet article se propose de retracer l’émergence et l’expansion des logiciels PLM au-delà de leur territoire historique, avant de tenter d’esquisser quelques perspectives sur les usages à venir. Nous reviendrons en particulier sur l’exacerbation des besoins de continuité numérique liés à l’avènement des objets connectés et à l’intelligence artificielle.

Le PLM, outil historique d’excellence des ingénieries

Dernière étape en date d’une évolution allant de la planche à dessin vers une gestion numérique intégrée et transversale du produit, le PLM est, par construction, un support à la performance des ingénieries. Les outils de Conception Assistée par Ordinateur (CAO), de Maquettage numérique et de simulation ont contribué à l’excellence des ingénieries en fiabilisant les développements, en permettant la conception de structures et de produits inédits, et en réduisant les temps de cycle de développement. C’est dans ce foisonnement d’informations nouvelles que les premières fonctionnalités du PLM se sont développées. La brique Product Data Management (PDM) se propose de structurer et de faciliter l’accès aux données pertinentes tandis que les modules de gestion des configurations ou de gestion des évolutions donnent une profondeur temporelle au cycle de vie. En complément, les fonctionnalités de Project et Portfolio Management des PLM permettent de mettre sous contrôle la complexité croissante à laquelle font face les ingénieries.

Au-delà des ingénieries, le PLM est d’ores et déjà un outil multi-métier d’excellence opérationnelle

Il est inutile de rappeler que, depuis longtemps, les ingénieries ne travaillent plus de manière isolée à la conception des produits et des process. De plus, les forces du marché poussant à une transversalisation de la conception et à une continuité numérique toujours plus grande dans l’entreprise sont puissantes : des cycles de vie courts, des Time To Market (TTM) réduits et la complexité croissante des produits concourent tous à la remise en question des silos organisationnels et à l’avènement de l’entreprise étendue. En soutien à cette évolution, l’outil PLM a donc largement dépassé le terrain historique des bureaux d’étude et s’impose comme le support de choix pour l’excellence de la boucle “Design, Procure, Build, Operate”. Outil de conception partagé dans le cadre des projets, le PLM est un élément clef de l’échange d’information entre ingénieries et achats, en particulier en ce qui concerne le partage des nomenclatures et des définitions de pièces nécessaires à la conduite des appels d’offre. À l’interface entre les services ingénierie, achats, qualité et fabrication, le PLM est aussi le support idéal pour les phases d’industrialisation en permettant par exemple la gestion des gammes et des processus de qualification des échantillons initiaux. Mais les possibilités du PLM s’étendent jusqu’au SAV où la continuité numérique qu’il apporte conduit à des gains de temps significatifs dans la rédaction et la mise à jour des notices d’utilisation ainsi que dans le maintien au meilleur niveau des informations mises à disposition des réseaux de dépannage. Au-delà même du périmètre stricto sensu de l’entreprise, certaines filières mettent le PLM au centre de leur démarche de transformation. L’objectif est d’en faire une véritable plateforme opérationnelle de partage et de mise à jour en temps réel tout le long de la supply chain des plans et des données pertinentes. Cette ambition, ultime frontière de la continuité numérique, se heurte cependant aux enjeux d’interopérabilité entre les logiciels de CAO et de PLM des différentes entreprises de la supply chain et reste un chantier en devenir.

Le PLM, colonne vertébrale de l’industrie 4.0 ?

Si la possibilité de réaliser des passerelles entre le PLM et les autres outils de l’entreprise (ERP, systèmes de la fonction fabrication, etc.) a permis d’apporter une réponse informationnelle appropriée à la complexité croissante induite par la technologie, cette évolution est loin d’être achevée. En effet, avec les nouvelles offres techniques de l’Intelligence Artificielle (IA) et de l’Internet des Objets (IoT), pour n’en citer que deux, l’industrie est à un point de bascule technologique. Nous pouvons également anticiper que la mise à jour à distance des logiciels embarqués (Firmware Over The Air ou FOTA) est appelée à devenir un impératif dans bon nombre d’industries. Les progrès que permettent ces technologies de l’industrie 4.0 ne vont pas sans leurs enjeux humains, financiers et organisationnels. Leur impact sur l’architecture des systèmes d’information et les enjeux de continuité numérique qui y sont associés sont tout aussi importants et doivent être considérés avec la plus grande attention. Nous présentons dans cet article trois usages qui nous semblent devoir concourir à renforcer encore le rôle du PLM au sein des organisations.

Le cas de l’IoT

Les objets connectés, utilisés par exemple pour la gestion de flottes, la maintenance prédictive et le suivi des usages vont générer une grande quantité de données. Ces informations vont permettre d’irriguer toute la chaîne de valeur, de l’ingénierie jusqu’au SAV, afin d’optimiser les cycles produits et les processus. C’est à ce titre qu’une solution PLM deviendra incontournable, grâce à son rôle d’interconnexion entre les différentes briques informationnelles qui sous-tendent la chaîne allant de la conception du produit jusqu’à son SAV.

Le PLM au service des logiciels embarqués

La gestion et la mise à jour à distance des systèmes d’exploitation embarqués (Firmware over the air ou FOTA) nécessite une maîtrise des configurations hardware / software pour assurer la compatibilité des logiciels et des matériels. Le PLM qui assure déjà la gestion des configurations matérielles se pose bien entendu en candidat idéal pour prendre en charge la dimension logicielle. Mais, pour la mise à jour de logiciels à distance, la connaissance de la configuration matérielle initiale n’est pas suffisante et la maîtrise globale du cycle de vie jusqu’au démantèlement, tel qu’on le voit déjà émerger dans le bâtiment ou la construction navale, est absolument cruciale. Cette nécessité nous semble conduire à un renforcement inéluctable du lien entre le PLM et les systèmes de gestion après-vente afin d’assurer la maîtrise des modifications hardware réalisées après la vente du produit.

PLM et intelligence artificielle

Notre dernière illustration, concerne l’augmentation de la performance du PLM grâce à l’Intelligence Artificielle. Celle-ci permettra de proposer des interfaces hommes-machines aux performances optimisées, notamment grâce à la prédiction et à la suggestion des tâches à accomplir par les opérateurs tout au long du cycle de vie du produit. De nouvelles fonctionnalités au service de la performance industrielle sont également à anticiper. Ainsi, certains éditeurs de PLM proposent aux industriels d’engager des actions de réduction de coûts sur la base d’analyse des bases articles par des algorithmes de machine learning, et ce de manière transverse à toutes les business units.

Conclusion

Né dans les bureaux d’étude, le PLM a démontré sa capacité à investir tous les domaines en répondant notamment au besoin de continuité numérique entre les ingénieries et les autres fonctions de l’entreprise. Nous pensons que le PLM a vocation à devenir au cycle industriel “Design – Procure – Build – Operate” ce que l’ERP est à l’axe lead-to-cash/supply, et ainsi à s’imposer comme la seconde colonne vertébrale SI des entreprises industrielles. Tout comme pour un ERP, la dimension structurante d’un projet PLM peut représenter un véritable levier d’excellence opérationnelle. Bien piloté, le projet doit conduire l’entreprise à repenser ses processus, à remettre en cause ses modes de fonctionnement et à poser une roadmap pour son architecture informatique. Mais la similarité avec les ERP ne s’arrête pas là et si les projets PLM sont tout aussi stratégiques que les projets ERP, leur mise en oeuvre possède le même degré de complexité et est sujette aux mêmes écueils. En conclusion, la réalisation des gains et des promesses d’excellence du PLM sont avant tout le résultat d’une vision stratégique claire et de l’excellence de la conduite du projet d’implémentation sous toutes ses composantes qu’elles soient informatiques, organisationnelles ou humaines.