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Richard Viot-Coster

Richard Viot-Coster est consultant en supply-chain et co-fondateur de SNEXT Solutions

Entreprises face au déconfinement

Faut-il se préparer sur la base du scénario worst-case ?
Dans la conduite du déconfinement, quelle est l’utilité pour les entreprises de prévoir le pire des scénarios ? Il ne s’agit évidemment pas de se faire peur pour rien mais au contraire de se préparer à toute éventualité tout en renforçant les fondamentaux.

D’une part, un scénario business particulièrement dégradé qui mettrait l’entreprise en danger ne peut pas, dans le contexte actuel, être écarté. Il convient donc de s’y préparer selon la même philosophie qui prévaut à la définition d’un plan de continuité d’activité ou à la souscription d’une assurance.

D’autre part, et c’est là le cœur de notre propos, un tel exercice est, en mettant l’accent sur les forces et faiblesses d’une entreprise, susceptible d’offrir des éclairages stratégiques précieux, quelle que soit la situation.

Dernièrement une chef d’entreprise nous confiait avoir placardé sur un mur le scénario le plus pessimiste auquel elle comptait demander à ses collaborateurs de se préparer. Le résultat de son initiative a conduit l’équipe à s’accorder collectivement sur un refus de subir une telle situation. Le scénario est resté accroché au mur barré au marqueur, et l’ensemble des collaborateurs ont identifié les moyens à leur disposition pour forcer le destin et relancer efficacement l’activité de l’entreprise.

Cette anecdote bien réelle illustre pour quoi, dans le contexte du déconfinement qui vient de s’amorcer, les dirigeants ont tout intérêt à identifier et étudier le (ou les) éventuels scénarios business les plus pénalisants pour leur entreprise.

La situation actuelle se caractérise par une incertitude exceptionnelle

Il est en effet bien difficile de prévoir l’évolution à court, moyen et long terme des entreprises et des secteurs d’activité. Tous les facteurs humains, industriels, marché et sanitaires sont, soit désorganisés, soit facteurs d’incertitude. Les entreprises sont donc susceptibles de faire face à des évolutions imprévisibles de leur activité.

L’approche par la formalisation de scénarii

Dans un article précédent, nous soulignions les bénéfices de la scénarisation dans le contexte d’incertitude qui caractérise la période que nous traversons.

En étudiant et préparant divers scénarii, les dirigeants peuvent remettre l’entreprise en mouvement tout en restant flexibles. La formalisation de ces scénarii permet non seulement de réduire la complexité à gérer, d’évaluer les risques dans les différentes situations, mais elle permet surtout d’anticiper les événements par la constitution de plans d’action alternatifs, actionnables immédiatement en fonction de l’évolution du contexte.

De plus, l’exercice en lui-même permet de remobiliser les équipes autour d’un projet et d’une perspective, faire émerger l’intelligence collective et parfois d’identifier des leviers insoupçonnés.

Se préparer sur la base du scénario le plus pessimiste

Un scénario business particulièrement dégradé pour l’entreprise et mettant la pérennité de l’entreprise en danger ne peut pas être écarté a priori dans le contexte actuel.

En identifiant les scénarios « worst-case » de son entreprise, le dirigeant pourra, dans la mesure du possible, mettre en œuvre les mesures pour les éviter ou, à défaut, l’aborder en étant préparé et en ayant pré-étudié un panel de contremesures.

Bien entendu, toutes les éventualités mentionnées ci-dessus ne se produiront pas en même temps. Certains de ces aléas n’auront d’ailleurs peut-être même pas un impact significatif sur la société. Il ne s’agit donc pas de construire un scénario catastrophe où tous les facteurs de risque se conjuguent. Il n’est pas non plus question d’être exhaustif en étudiant tous les facteurs de risque. Les dirigeants auront au contraire à bien identifier les 2 à 3 scénarios les plus pénalisants pour son entreprise dans ce contexte de reconfinement.
  • Comment l’entreprise pourrait-elle réagir à la perte ou à un défaut de paiement d’un client majeur ?
  • Quel serait l’impact de la faillite d’un fournisseur critique ?
  • Comment l’entreprise pourrait-elle s’adapter à un maintien dans la durée de règles sanitaires strictes ou, pire encore, un reconfinement dans les semaines ou dans les mois à venir ?
Nous pensons également qu’un tel exercice est, en mettant l’accent sur les forces et faiblesses d’une entreprise, susceptible d’offrir des enseignements stratégiques riches de sens pour le long terme.

En effet, en étudiant quelques scénarii significatifs et pertinents pour l’entreprise, le dirigeant et son équipe peuvent ainsi mettre en évidence comment l’entreprise peut réagir et identifier des points de progrès stratégiques : frais fixes, polyvalence des installations et du personnel, capacité à reconfigurer l’outil de production des biens ou des services, résilience et adaptabilité de l’outil informatique, etc.

La pandémie du COVID nous rappelle avec force le sens du mot « résilience », mélange subtil de résistance et de plasticité. La flexibilité des organisations sont un préalable à leur survie en cas de choc économique.

Mais la réalité des affaires est qu’un renversement de tendance ou un évènement est toujours possible même en temps normal (perte d’un client majeur, évolution des besoins clients, changement abrupt de réglementation, etc.). En ce sens, l’étude de scénarii business catastrophes devrait faire partie des routines stratégiques de l’entreprise même hors temps de crise.

Le secteur bancaire l’a d’ailleurs compris depuis de nombreuses années puisque les établissements réalisent à intervalle régulier des stress tests consistant à évaluer l’impact de scénarii économiques dégradés sur la santé des institutions financières.